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3 mois de recherche au MIT pour Bastien

Publié le

19 Juil 2024

Après un report de quelques mois, Bastien a enfin pu s’envoler vers les États-Unis pour effectuer un séjour de recherche au sein de l’équipe MSEAS du département de Mécanique du Massachusetts Institute of Technology (MIT), grâce au soutien de la Fondation.

Il vous raconte son séjour.

Quelles étaient tes motivations pour ce séjour au MIT ?

J’ai effectué un séjour de recherche au sein de l’équipe MSEAS du département de Mécanique du Massachusetts Institute of Technology (MIT) sous la direction du professeur Pierre Lermusiaux pour travailler sur le problème de la planification de trajectoires optimales pour des drones aériens ou sous-marins.

Mon séjour au MIT s’est inscrit dans la continuité scientifique de ma thèse. L’équipe MSEAS est en effet à la pointe en ce qui concerne l’optimisation de trajectoire de drones sous-marins. Dans ma thèse, je m’intéresse à l’optimisation de trajectoire de drones aériens sur de longues distances, problème qui possède la même structure mathématique que le problème de routage pour drones sous-marins. C’est donc avec l’ambition d’en apprendre davantage sur les méthodes de routage mises en oeuvre par l’équipe MSEAS que j’ai commencé ma mobilité. J’étais également intéressé par le croisement de connaissances entre le monde de l’aérien le monde sous-marin. En particulier, la méthode de calcul de trajectoires optimales que j’ai développé dans ma thèse diffère de celle proposée par l’équipe MSEAS. Une question scientifique importante était donc d’identifier les différences entre les deux méthodes et de savoir dans quel cas une méthode est plus adaptée (plus efficace) qu’une autre. De façon générale, aucune connexion se semblait exister entre les applications océan et atmosphère du routage de drone, et ainsi cette mobilité était l’occasion de faire ce lien utile à la communauté scientifique.

Par ailleurs, la perspective de découvrir le monde académique américain revêtait un grand intérêt à mes yeux. Quelle que soit la suite de mon parcours professionnel, je sais que je souhaite garder une connexion avec le monde de la recherche. Il m’apparaissait donc important de voir le monde de la recherche américain de mes propres yeux ; mieux, de le vivre au quotidien pendant quelques mois. Cette mobilité prend également la forme d’une revanche personnelle : j’ai vu mon stage de 6 mois au Stanford Research Institute annulé il y a 3 ans pour cause de pandémie… elle était donc ma première expérience professionnelle et académique aux Etats-Unis.

Enfin, la perspective d’un séjour aux Etats-Unis était aussi pour moi l’occasion de pratiquer l’anglais de façon intensive, tant dans le cadre professionnel que personnel.

Sur le plan scientifique, que retires-tu de ce séjour ?

Bastien Schnitzler

De façon générale, ce séjour a été très fertile sur le plan scientifique. J’ai beaucoup échangé avec le Pr. Lermusiaux, qui m’a accordé le temps nécessaire au bon déroulement du séjour, mais aussi avec les étudiants, étudiantes et les chercheurs de l’équipe.

Au début du séjour, nous avons identifié quatre sujets de collaboration possibles :

  • Comparaison des approches courbes de niveaux et extrémales pour le calcul de trajectoires optimales
  • Optimisation de trajectoire minimisant temps et exposition au risque
  • Optimisation de trajectoire en incluant la paramétrisation du vol de gradient (biomimétisme de l’albatros)
  • Optimisation de trajectoire avec météo stochastique

Nous avons commencé par travailler sur le sujet 4. Nous avons progressé dans la formalisation du problème ainsi que dans l’implémentation de premiers exemples. Cependant, il est apparu que ce sujet demandait beaucoup de travail pour avancer rigoureusement, de l’ordre de plusieurs mois voire plus d’un an (ce sujet peut probablement consister en une thèse à lui seul). Ainsi, après un mois et demi passés et sans espoir d’obtenir des avancées significatives avant la fin du séjour, nous avons choisi de réorienter l’attention sur le sujet 2. Néanmoins, l’exploration de ce sujet m’aura fait monter en compétence sur la modélisation stochastique de systèmes continus (processus de Markov), mon encadrant m’ayant donné les ouvrages de référence à travailler pour rentrer dans le sujet. Si ces compétences n’ont pas été mises directement à profit sur un sujet, elles n’en demeurent pas moins un nouvel acquis de cette mobilité et me permettent d’avoir un point de vue plus éclairé sur la littérature de l’optimisation stochastique de trajectoires.

 

Le sujet 2 s’est avéré très fructueux. Nous avons fait usage des travaux de Manmeet Bhabra et Manan Doshi sur le calcul de trajectoires minimisant le temps de trajet et maximisant la collecte de ressources. Dans le sujet 2, nous ne maximisons pas une collecte de ressources mais nous cherchons au contraire à minimiser l’exposition totale à un risque diffus dans l’environnement, par exemple la présence d’orages. Après m’être approprié les outils numériques de l’équipe MSEAS, j’ai apporté les modifications nécessaires pour le calcul de trajectoires temps-risque optimales. Nous avons appliqué avec succès la méthode au problème d’évitement des orages dans la traversée de l’Atlantique entre Dakar et Natal (défi du drone Mermoz). Nous avons également appliqué la méthode dans l’océan pour l’évitement de courants dangereux pour les drones sous-marins. Nous avons proposé un abstract pour la conférence IEEE Oceans pour ces travaux qui a été accepté. Nous sommes donc en train de rédiger un article pour cette conférence qui aura lieu en septembre. Ainsi la rencontre des domaines aérien et sous-marin est actée dans ce papier, et ce sur un sujet nouveau et avec une portée opérationnelle.

Malgré l’intérêt initial que je portais au sujet 1 avant mon arrivée, il s’est avéré que, comparativement aux autres sujets, ce dernier relevait pleinement de l’étude numérique pure, ce qui l’a rendu moins attractif que, par exemple, le sujet 2. Ainsi je n’y ai pas alloué de temps durant la mobilité.

L’équipe MSEAS est spécialisée dans la simulation haute fidélité et haute résolution de l’océan (également dans l’assimilation de données et l’estimation d’état). Etant complètement novice dans ce sujet, j’ai beaucoup appris. L’équipe est en effet capable de produire des prévisions haute résolution de l’état de l’océan sur une fenêtre de temps de l’ordre de la semaine. Cette capacité sert entre autres à la production de prédictions pour les champs de courants marins qui nourrissent les algorithmes de planification de trajectoires pour drones sous-marins.

Quelles ont été tes impressions sur la vie académique aux États-Unis ?

A travers ce séjour, j’ai découvert le monde des grandes universités américaines. Dès ma première semaine, je me suis inscrit au club de course du MIT qui organise des sorties de footing quatre fois par semaine. Ça a été pour moi l’occasion d’échanger avec d’autres étudiants, pour la plupart américains. J’ai également participé aux activités du groupe « VISTA » des étudiants en visite, où j’ai pu échanger avec de nombreux autres étudiants.

Je tire de ces échanges une meilleure compréhension du système académique américain. Etant issu du système prépa et école d’ingénieur français, il m’a fallu de nombreux échanges pour bien comprendre les tenants et aboutissant de ce système que je connaissais assez mal avant de venir au MIT. Le groupe VISTA étant majoritairement composé d’étudiants européens, j’en ai aussi appris plus sur les grandes universités européennes (EPFL, ETH, TU Munich, TU Delft, …), qui ont un système aligné sur le modèle américain.

Pour un français, le choc des cultures intervient également à la pause du midi. Si elle est plutôt sacralisée en France comme un moment d’échange privilégié entre collègues, dans mon laboratoire à Boston, la coutume était plutôt que chacun s’organisait indépendamment, les repas devant écran n’étant pas rares. Les moments d’échanges sont donc plutôt organisés autour de regroupement sporadiques au gré du passage de certains étudiants dans les bureaux des autres.

Que retires tu de ce séjour sur le plan personnel ?

Cette mobilité m’a fait sortir de mon cadre de vie habituel. J’ai eu la chance de partager mon appartement avec trois autres colocataires très amicaux (américain, chinois et allemand) avec qui j’ai pu beaucoup échanger. Je pense également avoir grandement amélioré ma capacité à parler anglais, que ce soit dans un cadre professionnel ou personnel, par opposition à l’anglais académique qui était quasiment le seul auquel j’avais été confronté jusqu’alors.

Passer plusieurs mois seul dans un cadre nouveau m’a également poussé à apprendre à engager des discussions avec des interlocuteurs inconnus dans des situations diverses, qu’elles soient professionnelles ou bien informelles. C’est une compétence que je possédais déjà dans une certaine mesure, mais je me sens avoir acquis beaucoup plus d’aisance à le faire désormais.

Résider aux États-Unis en tant que personne y travaillant et sur une période longue m’a donné un regard plus complet sur cette société que celui que j’avais pu construire en tant que touriste. Le destin de l’Europe est indéniablement lié à celui des Etats Unis tant sur le plan de la défense, de la décarbonation ou sur le plan sociétal. Ainsi, mieux comprendre l’ADN des États-Unis, c’est également mieux savoir quoi attendre de l’avenir sur les grands défis qui nous font face. Sur ce point, je pense que ma mobilité à Boston a élargi ma compréhension de la société états-unienne. Je remarque entre autres que la prise de conscience écologique est beaucoup moins répandue dans les milieux que j’ai fréquenté durant ma mobilité qu’elle ne l’est dans mon cadre de travail en France. En revanche, les enjeux du genre et de l’acceptation des différences sont massivement ancrés, beaucoup plus qu’en France selon moi, au moins dans le milieu académique que j’ai fréquenté là-bas.

Pour conclure, que retiens-tu de cette expérience ?

Dans la littérature associée au problème de planification de trajectoire pour drones traité par des méthodes dites « indirectes », dans laquelle s’inscrit ma thèse, les références sont en petit nombre et on peut remarquer qu’elles se regroupent en clusters associés aux communautés de recherche. L’équipe MSEAS est un exemple de cluster très fertile sur le sujet. Avoir pu collaborer avec cette équipe a donc été un événement majeur de ma thèse. Les échanges que j’ai y eu m’ont permis d’acquérir de la perspective sur mes travaux ainsi que sur la méthode que j’ai développée.

Ce séjour aura été fructueux car il a donné lieu à l’écriture d’un article sur un sujet novateur. Il aura aussi été fructueux dans le sens où il m’a permis d’écarter avec rigueur des sujets jugés trop complexes dans le temps imparti ou bien trop loin de nos attentes.

Par ailleurs, le lien entre mon laboratoire d’accueil ainsi que mes laboratoires en France (DAEP à l’ISAE-SUPAERO et ENAC LAB à l’ENAC) est maintenant établi et pourra servir dans la suite à un autre doctorant ou une autre doctorante.

Ma thèse devrait prendre fin à la fin de l’année 2024. Dans la suite, je cherche à m’orienter vers le monde de l’industrie aéronautique. Je souhaite autant que possible garder un lien avec le monde de la recherche dont la richesse intellectuelle et les échanges scientifiques et humains me plaisent particulièrement. Mais je suis par ailleurs très intéressé de proposer des réponses concrètes aux défis de l’aéronautique contemporaine, et je vois dans l’industrie l’opportunité de réaliser ce projet.

Je veux soutenir des séjours comme celui de Bastien.