< retour aux articles
5 mois au JPL pour Mathilde
Publié le
Mathilde a été soutenue par la Fondation pour un stage de 5 mois au Jet Propulsion Laboratory à Caltech en Californie, USA. Ce stage lui a permis de participer à un projet de recherche en cosmologie et de préciser son envie de réaliser une thèse dans ce domaine.
Pourquoi avoir choisi de réaliser ton stage aux Etats-Unis ?
Pour mon stage de fin d’étude, j’ai eu la chance exceptionnelle de partir au Jet Propulsion Laboratory (JPL), un centre de recherche de la NASA, administré par le prestigieux California Institute of Technology. Ce laboratoire est reconnu à travers le monde pour ses contributions aux missions spatiales emblématiques de la NASA et ses recherches de pointe en ingénierie et en science.
Mon choix de partir aux États-Unis pour ce dernier stage était motivé par plusieurs raisons :
- D’une part, je savais que c’était probablement l’une des dernières occasions que j’aurais de découvrir ce pays, sans engagement à long terme, ce qui rendait l’expérience d’autant plus unique.
- D’autre part, je voulais absolument observer et analyser leur manière de travailler, que l’on dit souvent plus pragmatique et orientée vers l’action par rapport aux méthodes européennes plus formelles.
Cette immersion m’a également permis de tester la recherche scientifique dans un cadre aussi dynamique que celui de la NASA, tout en confirmant ma volonté de poursuivre un doctorat après cette expérience.
Raconte-nous comment s’est passé ton stage
Mathilde Guitton
Mon stage, qui s’est déroulé sur une durée de cinq mois, d’avril à août, a dépassé toutes mes attentes. J’ai été encadrée par deux mentors éminents, le Dr. Krzysztof Gorski et la Dr. Graça Rocha, tous deux cosmologistes de renommée mondiale, experts dans l’étude du fond diffus cosmologique, cette empreinte laissée par le Big Bang. Dès mon arrivée, la Dr. Rocha m’a accueillie chaleureusement, m’introduisant au sujet de mes recherches et me proposant des pistes d’investigation pour les deux premières semaines. À partir de ma troisième semaine sur place le Dr. Gorski est arrivé pour prendre la relève et m’accompagner dans mes travaux. Alternant entre la Californie et la Pologne, où il occupe également un poste universitaire, nous avons poursuivi nos échanges via Zoom lorsqu’il était à distance. Pendant ses absences, j’ai continué à collaborer étroitement avec la Dr. Rocha, mais aussi avec le Dr. Brandon Hensley, un spécialiste reconnu de la poussière interstellaire, dont l’étude est cruciale pour affiner la détection du fond diffus cosmologique. Le mois de juillet, bien que moins encadré à cause d’imprévus personnels de mes mentors, m’a offert l’opportunité de me concentrer pleinement sur la rédaction de mon rapport de stage.
Que retiens-tu de cette expérience sur le plan personnel ?
Cette expérience a été très enrichissante. Le JPL étant un point d’attraction pour des stagiaires venus du monde entier, j’ai eu l’opportunité de rencontrer un grand nombre de personnes passionnées par les sciences et l’espace. Durant l’été, le laboratoire accueille chaque année des dizaines de “Summer interns”, pour la plupart américains, issus des universités les plus prestigieuses des États-Unis. Ces échanges m’ont permis de découvrir non seulement leur manière d’appréhender la recherche, mais aussi leur culture, leur mode de vie, et les différences sociales entre nos deux continents. De plus, cette année, plusieurs français de l’ISAE-SUPAERO étaient également présents, ce qui m’a permis de ne pas être totalement dépaysée.
Forte de ces nombreuses rencontres, j’ai profité de chaque week-end pour explorer la Californie et ses alentours de long en large. Avec mes nouveaux amis, nous avons parcouru les routes, visité les parcs nationaux et exploré les lieux incontournables. En l’espace de 5 mois, j’ai conduit près de 16 000 km, ce qui – malgré nos nombreux déplacements – est assez représentatif du rapport des Américains à la voiture. Les transports en commun, bien que très pratiques, sont fréquentés par les parties les plus pauvres de la population. J’avais beau m’attendre à ce mode de vie, je dois avouer que Los Angeles l’a poussé à l’extrême. Ce n’est pas une ville au sens où nous l’entendons, ce sont des banlieues collées les unes aux autres, sur une surface immense. Même les autres villes de Californie comme San Diego ou San Francisco sont plus proches de nos villes européennes, et l’on peut s’y promener à pied sans souci.
Qu’est-ce qui t’a le plus surprise durant ton séjour ?
Un aspect inattendu de mon séjour en Californie a aussi été le rapport des Américains au réchauffement climatique et à la gestion des ressources naturelles. Bien que la Californie soit régulièrement touchée par des incendies de forêt dévastateurs et des vagues de chaleur extrêmes, j’ai été surprise de voir à quel point ils ont développé des pratiques efficaces pour économiser l’eau, une ressource pourtant rare dans cette région. Par exemple, dans les quartiers résidentiels, il est courant de voir des systèmes de récupération d’eau de pluie ou des bassines laissées à l’extérieur pour collecter l’eau d’arrosage et la réutiliser pendant les périodes de sécheresse. Cela m’a montré que, malgré certaines perceptions, ils ont conscience des défis climatiques, même s’ils y réagissent de manière différente.
Cependant, leur mode de vie semble parfois en contradiction avec ces pratiques. Il n’est pas rare de conduire sur des autoroutes à plusieurs voies, souvent de 2*8 voies, qui serpentent à travers de vastes étendues urbaines. Leur réseau routier est véritablement impressionnant par son ampleur, mais il reflète aussi leur dépendance à la voiture. Contrairement à la France, où l’on peut se déplacer assez facilement en transports en commun ou à pied dans les grandes villes, en Californie, tout le monde utilise la voiture pour le moindre trajet, même pour se rendre dans des lieux à proximité. La climatisation, omniprésente dans les maisons, les voitures et les commerces, est utilisée sans modération, même pour des températures qui seraient jugées supportables en Europe. Ce qui nous paraît impensable, voire excessif en France, est ici la norme. Leur rapport à l’environnement est donc très différent, oscillant entre une conscience de la crise climatique et une manière de vivre qui y contribue paradoxalement. Cela m’a rappelé que, malgré nos efforts en Europe, nous n’arriverons à des solutions durables qu’à travers une collaboration internationale et un véritable dialogue global sur ces questions cruciales.
D’autres choses qui t’ont marqué ?
Leur rapport au monde professionnel est tout aussi marqué par des différences culturelles. En Californie, il est tout à fait normal, voire encouragé, d’être extrêmement ambitieux, de vouloir grimper les échelons et de viser des rémunérations très élevées. L’argent et le succès ne sont absolument pas des sujets tabous, bien au contraire, ils font partie intégrante des discussions quotidiennes. Les Américains parlent ouvertement de leurs objectifs financiers et de carrière, sans complexe. En France, en revanche, le rapport à l’argent est bien plus discret, souvent entouré d’une certaine pudeur. Il est rare que les discussions autour du salaire ou du succès professionnel soient aussi directes, et il existe parfois un sentiment de gêne à l’idée de parler de richesse ou d’ambition personnelle. Ces différences culturelles m’ont permis de réfléchir à la manière dont chaque société valorise le succès et la réussite, et comment cela façonne les interactions professionnelles et sociales.
Sur le plan culinaire, le choc a aussi été assez conséquent. Après quelques semaines à profiter des burgers, milkshakes et de la nourriture mexicaine, délicieuse grâce à la proximité du Mexique, la lassitude s’est fait ressentir. La diversité alimentaire est assez limitée, et la qualité peu au rendez-vous. Il est possible d’acheter de la meilleure qualité, mais les prix sont adaptés aux salaires élevés des Californiens.
Au milieu de mon stage, j’ai eu la chance d’assister à la Tenth International Conference on Mars, du 22 au 25 juillet, qui avait par chance lieu à Caltech (California Institute of Technology) à Pasadena. Cette conférence annuelle rassemble des chercheurs du monde entier pour discuter des découvertes et des avancées dans l’étude de la planète Mars. Des conférences captivantes ont eu lieu toute la semaine, complétées par des sessions de présentation de posters. J’ai eu l’opportunité de rencontrer de nombreux chercheurs et d’étendre mon réseau de contacts professionnels. J’ai même retrouvé une amie rencontrée lors de mon précédent stage à l’ESA, prouvant une fois de plus à quel point le monde de la recherche est petit.
Si tu devais faire le bilan de ton stage
Une facette fascinante de mon stage a été l’exploration des innovations technologiques qui font la renommée du JPL. J’ai eu la chance d’assister à des présentations sur les technologies de pointe en matière d’exploration spatiale, ou encore les avancées dans l’intelligence artificielle pour l’astrophysique. Ces discussions m’ont ouvert les yeux sur l’impact que la technologie a sur la recherche scientifique et m’ont inspirée à continuer à suivre de près ces domaines. J’ai même pu observer la mise en boîte d’Europa Clipper avant son départ pour le Kennedy Space Center. Voir les prototypes de rovers et d’instruments en développement a renforcé ma motivation à vouloir contribuer à l’exploration spatiale de manière plus concrète.
Mon stage a aussi été ponctué de nombreux évènements organisés par le JPL. J’ai participé à plusieurs journées thématiques, dont la “Journée des stagiaires” et une journée dédiée aux différentes nationalités représentées au sein du laboratoire. Au sein de l’équipe Dark Sector, des réunions hebdomadaires permettaient à chacun de partager ses avancées et de solliciter des retours de ses collègues. Ces moments d’échange étaient pour moi les plus enrichissants, car ils révélaient la dynamique collaborative du monde de la recherche et l’esprit de débat qui y règne. J’ai appris que même les chercheurs les plus expérimentés peuvent s’engager dans des discussions passionnées, et que rien n’est jamais acquis dans ce domaine. J’avais de la chance de côtoyer des pontes de la cosmologie, et j’ai essayé d’en tirer le maximum.
Au-delà de l’aspect purement scientifique, cette expérience a aussi été une plongée dans un environnement multiculturel unique. Le JPL regroupe des chercheurs, ingénieurs, et stagiaires venus des quatre coins du monde, et c’est cette diversité qui rend le laboratoire si particulier. Travailler dans une telle ambiance m’a permis de découvrir différentes manières d’aborder les problèmes et de comprendre comment la collaboration internationale enrichit les projets de recherche. Cela a non seulement affiné mes compétences techniques, mais aussi renforcé ma capacité à m’adapter à des environnements variés, un atout que je pourrai mettre à profit dans ma future carrière.
Sur le plan professionnel, ce stage au JPL représente une avancée majeure dans ma carrière. Travailler pour la NASA est une immense fierté personnelle et constitue un atout indéniable sur un CV. Mes mentors, Dr. Gorski et Dr. Rocha, sont des figures reconnues dans le domaine de la cosmologie, et je sais que cela me sera utile pour la suite de mon parcours professionnel. Ce stage m’a donc confirmé que je voulais poursuivre une carrière dans la recherche, et je suis désormais prête à entamer début novembre un doctorat en cosmologie à l’EPFL, au sein du groupe Cosmo-3D. Pour l’ISAE-SUPAERO, c’est aussi une excellente vitrine de pouvoir dire que ses étudiants sont régulièrement accueillis par la NASA. Je pense que cette collaboration entre les deux institutions continuera de s’intensifier, notamment grâce à la qualité des stagiaires français, souvent bien au-dessus de la moyenne des étudiants américains.
Un mot de la fin ?
Si je devais résumer cette expérience, je dirais qu’elle m’a non seulement aidé à mûrir professionnellement, mais aussi personnellement. J’ai appris à gérer des périodes d’incertitude, à persévérer malgré les obstacles, et à rester concentrée sur mes objectifs. Ce stage m’a aussi rappelé l’importance de rester curieuse, d’apprendre constamment et de ne jamais cesser de remettre en question les certitudes établies. Ces cinq mois ont été une véritable aventure, à la fois intellectuelle et humaine, qui restera à jamais gravée dans ma mémoire.