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International Electric Propulsion Conference (IEPC) 2024 à Toulouse
Publié le
Valentin Mazières est enseignant-chercheur à l’ISAE-SUPAERO depuis janvier 2022. Recruté pour développer un axe de recherche sur la propulsion électrique spatiale, il a bénéficié d’un soutien de la Fondation afin de participer à l’organisation de l’International Electric Propulsion Conference 2024 à Toulouse.
Il vous raconte.
Pouvez-vous nous présenter vos travaux au sein de l’ISAE-SUPAERO ?
Je suis enseignant-chercheur à l’ISAE-SUPAERO depuis janvier 2022. J’ai été recruté notamment pour développer un axe de recherche sur la propulsion électrique spatiale à l’Institut. En effet, ma recherche porte sur deux thèmes principaux : le développement de sources plasmas innovantes et la compatibilité électromagnétique entre les propulseurs électriques et le satellite.
Pourquoi avoir décidé de participer à l’organisation de l’IEPC 2024 ?
Valentin Mazières
En 2023, nous avons encadré une stagiaire de M2, Célia Bouyssou, que nous encadrons maintenant en thèse sur le sujet suivant « Analyse du comportement électromagnétique des chambres à vide en présence de plumes de propulseurs électriques spatiaux ». Cette thèse se déroule à l’ISAE-SUPAERO, financée par un projet école AID. Ce sujet de thèse s’intègre dans le contexte récent du “New-Space”. En effet, ce nouveau paradigme a ouvert aux acteurs privés l’accès à l’exploration spatiale, ce qui a engendré une augmentation du nombre de satellites dans l’espace.
Afin de réduire les coûts de fabrication et de lancement, la taille des satellites a été réduite grâce au développement des cubsat ou nanosat. La réduction de la taille des satellites entraîne des problèmes de compatibilité électromagnétique (CEM) entre les propulseurs et les systèmes de communications. Une des sources majeures de perturbation est le rayonnement électromagnétique du propulseur. Pour mesurer ce rayonnement sur terre, il est nécessaire de faire fonctionner le propulseur dans une chambre à vide métallique. Cette chambre a un impact non négligeable sur le comportement des ondes électromagnétiques se propageant à l’intérieur.
Des installations ont été développées afin d’étudier le comportement des ondes en présence du propulseur au sol (l’Aerospazio en Italie, l’Aerospace Corporation aux États-Unis et RIAME en Russie). Elles couplent une chambre anéchoïque électromagnétique avec une chambre à vide métallique particulière. Une partie de celle-ci est en diélectrique, ce qui va permettre à l’antenne de capter le rayonnement du propulseur tout en limitant les réflexions dues à la chambre à vide.
Cependant, ces installations sont très coûteuses et les mesures réalisées sont complexes. Dans les projets que nous encadrons à l’ISAE-SUPAERO, nous cherchons à développer une méthode permettant de mesurer le rayonnement du propulseur directement dans la chambre à vide. Ces travaux s’intègrent parfaitement dans le cadre des thèmes abordés par IECP 2024.
J’ai donc sollicité la Fondation ISAE-SUPAERO en tant que membre du comité local d’organisation de la conférence internationale IEPC 2024 (International Electric Propulsion Conference).
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’IEPC ?
La conférence IEPC 2024 a eu lieu à Toulouse du 23 au 28 juin 2024. C’est un événement incontournable dans le domaine de la propulsion électrique spatiale. Environ 750 personnes étaient présentes à cet évènement qui a rassemblé des entreprises, startups, agences spatiales, ingénieurs, chercheurs, universitaires et doctorants. En plus d’échanges sur les besoins, tendances et défis dans le domaine de la propulsion spatiale, la conférence comprend également des événements informatifs et éducatifs avec des conférenciers de renom, des événements sociaux ainsi que des visites techniques de divers sites à proximité. L’objectif principal de cette conférence est de « préparer l’avenir de la propulsion et des missions spatiales et de transférer les connaissances à la prochaine génération d’acteurs ».
Le NewSpace est un des enjeux forts pour l’ISAE-SUPAERO, comme en atteste par exemple sa participation au collectif d’organisation des Assises du NewSpace français ces dernières années. Dans ce contexte, l’institut se positionne comme un acteur majeur de la transition du secteur aérospatial. Un de ses objectifs est de préparer « la future génération d’ingénieurs qui façonneront le NewSpace français ». En sachant que la propulsion électrique spatiale se trouve au cœur de ce nouveau paradigme qu’est le NewSpace, soutenir IECP s’intègre donc parfaitement dans la démarche de l’institut.
Les soutiens institutionnels à IECP 2024 sont notamment le CNRS et l’Université Paul Sabatier, le CNES, et les laboratoires LAPLACE et ICARE. On retrouve donc les acteurs majeurs nationaux du domaine de la propulsion spatiale électrique. Le soutien de l’ISAE-SUPAERO à cette conférence internationale a permis à l’institut d’être identifié par la communauté internationale comme un acteur majeur dans ce domaine.
Comment s’est déroulé l’évènement ?
Cette conférence s’est très bien passée, nous étions nombreux du site Toulousain à y participer. Tous les acteurs Toulousains travaillant sur la propulsion électrique pour satellite ont participé à cette conférence internationale et j’avais personnellement trois contributions à cette conférence.
- La première (« Characterization of the electromagnetic behavior of PIVOINE-2G vacuum chamber in the microwave regime ») est un article que j’ai rédigé en collaboration avec le laboratoire LAPLACE (laboratoire plasma et conversion d’énergie) de Toulouse et ICARE (Institut de Combustion, Aérothermique, Réactivité et Environnement) d’Orléans. Cet article porte sur des mesures que nous avons faites à ICARE sur le moyen d’essai PIVOINE, qui est le plus gros moyen d’essai français pour étudier les propulseurs électriques pour satellite. Ce moyen d’essai est financé par le CNRS et le CNES, et est exploité par de nombreux industriels, comme Safran ou Exotrail (une startup dans le domaine de la propulsion électrique pour satellite). Nous avons donc fait des mesures du comportement électromagnétique de ce dispositif, mesures qui n’avaient jamais été faites. L’objectif de ces mesures est d’étudier le rayonnement propre émis par les propulseurs, qui est un problème d’actualité qui préoccupe les industriels du domaine du Newspace. Nous avons conduit ces premières mesures et j’ai présenté les résultats lors la session « S1-3: Facilities ».
- La deuxième contribution (« Simulating the electromagnetic behaviour of a vacuum chamber in the presence of a thruster’s plume: comparison with experimental measurements ») est un article rédigé par une doctorante de l’ISAE-SUPAERO que j’encadre, Célia Bouyssou, qui travaille sur la caractérisation du rayonnement propre des propulseurs électriques à satellite. Dans son article, Célia montre des résultats dans lesquels elle compare des résultats de simulation et des résultats expérimentaux. Ces derniers ont été obtenus sur l’enceinte à vide du laboratoire LAPLACE, dans laquelle nous avons allumé un propulseur électrique à satellite (en particulier un propulseur à courant de Hall). Les résultats de simulations ont été obtenus avec un logiciel de simulation électromagnétique que nous possédons à l’ISAE-SUAPERO : HFFS (High Frequency Structure Simulator). Les résultats très encourageants qu’elle a obtenus lui ont permis de présenter à l’oral ces résultats, dans la session « S1-3: Facilities ».
- La troisième contribution (« Spectral Dependencies of GHz Electromagnetic Emission from Hall Thrusters Inside a Metallic Vacuum Chamber ») est un article rédigé par François Réot, un doctorant du laboratoire LAPLACE. François travaille sur la caractérisation du rayonnement propre des propulseurs à satellite au GHz et son lien avec les instabilités basse fréquence. François présentait ses résultats sous forme de poster. Ces travaux ont largement été apprécié puisque nous avons reçu le prix du meilleur poster de la conférence (« 2024 IEPC Best Poster Award »).
Que retenez-vous de cette expérience ?
Durant cette conférence, nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec des chercheurs de l’université de Giessen en Allemagne, dont nous connaissions les travaux, mais que nous n’avions jamais rencontré. Ils travaillent aussi sur la caractérisation du rayonnement propre des propulseurs (dans le cadre d’un projet européen) avec des approches différentes, et nous avons pu discuter de comment nos approches étaient complémentaires. Cela ouvrira certainement des collaborations intéressantes dans le futur. De plus, ces discussions ont été très intéressantes pour Célia Bouyssou, puisque c’était sa première conférence internationale et donc la première fois qu’elle pouvait interagir avec des chercheurs à ce niveau. La reconnaissance des travaux réalisés dans le cadre de François Réot par le prix du meilleur poster de la conférence a aussi permis de mettre en lumière la qualité des travaux réalisés sur le site Toulousain, notamment par l’ISAE-SUPAERO. Cette conférence a donc été une énorme opportunité pour moi, pour montrer à la communauté internationale nos travaux et pour lancer des discussions qui je l’espère, se traduiront par des collaborations internationales, notamment avec les chercheurs de l’université de Giessen, qui travaille sur la même problématique que nous avec des approches différentes. De telles collaborations participeraient au rayonnement de l’institut et seraient très intéressantes pour les doctorants de l’ISAE-SUAPERO travaillant dans le contexte du Newspace.
Un mot de la fin ?
Le soutien de la Fondation ISAE-SUPAERO à cette conférence internationale a permis à l’institut d’être identifié par la communauté internationale comme un acteur majeur dans ce domaine. Les présentations que nous avons faites ont permis de montrer à la communauté internationale travaillant sur la propulsion électrique des satellites que l’ISAE-SUPAERO se positionne sur des sujets d’actualités innovants et de montrer les méthodes que nous déployons à l’ISAE-SUPAERO qui sont uniques et nouvelles.
La participation à cette conférence s’est révélée très intéressante pour moi en tant que chercheur et en tant qu’encadrant de doctorantes et doctorants, puisque cela leur aura permis de discuter avec des chercheurs au niveau international et même d’être reconnus pour leurs travaux avec le prix du meilleur poster de la conférence.