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Projet BasC : 1 an après, on fait le point
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Mathis Talalkhokh, Justin Bedouet, Corentin Tran, Bathylle de la Grandière, Eloïse Ducreux, Sébastien Romero et Auguste Basset se sont lancé dans le Projet BasC à la suite d’une prise de conscience relative à l’empreinte carbone que pouvaient laisser les campagnes étudiantes. Ils ont souhaité engager une discussion avec toutes et tous pour repenser ces comportements et proposer un outil simple : un calculateur d’empreinte carbone spécifique aux campagnes étudiantes. Ils vous expliquent :
Quel était l’objectif du projet ?
L’objectif annoncé du projet est simple : décarboner les événements étudiant en sensibilisant les étudiants et étudiantes de l’ISAE-SUPAERO, puis faire en sorte que leur engagement et leurs actions rayonnent auprès des autres écoles d’ingénieur.
Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer ce projet ?
Mathis Talalkhokh
Nous sommes partis d’un constat tout aussi simple : les campagnes étudiantes – qui ont pour but d’élire les différents bureaux en charge de la vie étudiante au sein d’une école ou d’une université (Bureau des élèves, Bureau des sports et Bureau des arts) – leur déroulement et la manière dont elles sont vécues mettent souvent en jeu des comportements qui ne sont pas soutenables, voire contraires aux enjeux sociaux et environnementaux actuels. Trajets en avion pour rendre visite à des étudiants en année de césure à l’autre bout du monde, voyages en voiture fréquents et de grande distance, fabrication de goodies souvent inutiles aux couleurs des listes candidates…
Les campagnes durent en général plusieurs semaines et sont l’occasion pour tous les étudiants de rencontrer les promos précédentes, de s’amuser et de partager des instants festifs. Nous ne voulions pas jouer les trouble-fête en supprimant tout bonnement ces événements, mais plutôt engager une discussion avec toutes et tous pour les repenser.
En tant qu’étudiants en école d’ingénieur et ayant vécu ces campagnes lors de notre arrivée en première année, nous avons décidé de nous pencher sur le sujet lors de notre année de césure, en 2021. Mises en commun, nos idées ont abouti au lancement du projet de Bascule des Campagnes étudiantes (BasC) dont l’objectif est le suivant : engendrer des réflexions chez tous les étudiants et étudiantes de notre Ecole, les amenant à remettre en question la façon dont ils vivent les campagnes ainsi que leur mode de vie. Ces réflexions doivent amener à une réduction concrète de l’impact carbone des campagnes. Puisqu’elles sont une tradition étudiante riche, le but n’est pas de les supprimer. Il s’agit plutôt d’accompagner les étudiants vers des campagnes moins carbonées mais tout aussi amusantes.
En quoi consiste le projet BasC ?
Nous avons développé un calculateur d’empreinte carbone spécifique aux campagnes étudiantes. Cependant, nous nous sommes aussi fait la réflexion que les calculateurs “classiques” d’empreinte carbone, comme ceux que l’on peut retrouver aisément sur internet, n’impliquent pas forcément une prise de conscience et une responsabilisation des personnes qui les utilisent. Il s’agit plus souvent d’un constat, qui intervient en général après que les émissions aient été engendrées. En bref, le calcul d’empreinte carbone peut être utile si l’on sait le lire et en tirer les conséquences, mais ne visite jamais le champ des possibles. Il ne crée pas de nouvelles manières de vivre, de nouvelles idées pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Il est cependant un très bon outil pour orienter nos actions, analyser nos émissions et, de fait, prédire quels efforts auront le plus d’impact. Notre énergie et notre temps n’étant pas infinis, il permet de savoir où mettre cette énergie, à quoi dédier ce temps. Nous aurions tort de nous en priver.
C’est pourquoi nous avons choisi d’adopter une approche légèrement différente, dite des “potentiels de réduction”, dans l’utilisation de l’outil développé. Fondée sur un calcul des effets qu’aurait telle ou telle action, elle met l’accent sur l’efficacité des différents leviers que nous pouvons actionner pour réduire l’empreinte carbone des campagnes. Limiter voire supprimer les déplacements en avion, augmenter la part des plats végétariens dans les repas servis, etc.
Quel est l’impact de telles mesures ?
C’est ce niveau d’information minimum que nous voulions donner à chaque étudiant de première année afin que leurs choix soient faits en conscience. Il ne s’agissait donc pas de proposer un calcul d’empreinte carbone d’une liste à la fin des campagnes pour évaluer qui a la plus faible, mais bien un calcul de la réduction des émissions qu’engendrerait une action ou une décision. Il s’agissait de proposer et d’encourager les idées nouvelles d’actions à mettre en place pour limiter les émissions, avant que celles-ci ne soient déjà engendrée. Ce fut aussi l’occasion de lancer un défi aux différentes listes : laquelle saura réinventer les campagnes pour les mener vers un modèle plus soutenable ?
Aujourd’hui, où en êtes-vous dans le développement du projet ?
Depuis février 2023, nous travaillons sur le développement d’une version Web de l’outil, en parallèle de sa version Excel initiale. Ce choix est motivé par le besoin de partager l’outil plus facilement et à plus grande échelle, en réponse aux nombreuses sollicitations d’étudiants et d’acteurs de l’événementiel que nous avons pu recevoir. Nous avons dans cet objectif créer un groupe de travail spécifique, composé de 4 membres de l’équipe.
Pour le développement du site web, nous avons opté pour une solution dite “no-code”, nous permettant de construire un site de A à Z sans compétences techniques en développement web. Grâce au financement de la Fondation, nous pouvons accéder à deux services en ligne payants, nécessaires à la création de cette version web: le logiciel de création de site no-code Bubble.io, et un gestionnaire d’API Google Sheets nommé Sheety.
Nous avons actuellement finalisé l’interface graphique (le frontend) du site, notamment grâce la participation active d’étudiants de dernière année de l’école, dans le cadre de leur projet initiation à l’entreprenariat (PIE). Nous travaillons maintenant à finaliser le backend, en particulier l’affichage des résultats, et l’amélioration de la fluidité des opérations sur le site. Après la mise en ligne, l’étape suivante sera de tester la version web, et de corriger les éventuels bugs observés sur le frontend et/ou le backend.
Concernant le déploiement de cette version Web, nous avons eu l’opportunité d’échanger à plusieurs reprises avec l’Association pour la transition Bas Carbone (ABC) et le collectif d’étudiants Pour Un Réveil Écologique. Les deux associations se disent prêtes à partager et à communiquer sur la version web de BasC une fois que celle-ci sera finalisée, et rendue fiable par des tests robustes et méthodiques. Les publics visés par l’outil Web sont les milieux étudiants francophones, et le secteur de l’événementiel francophone plus généralement. Grâce aux financements de la Fondation, nous pourrons héberger le site pendant une durée de 3 ans environ, ce qui nous permettra de déployer l’outil à un large public, et nous donner un temps pour envisager d’autres moyens de financements par la suite (co-financements par les partenaires de BasC, souscriptions des utilisateurs, etc…).
Pour ce qui est de la partie calculateur d’empreinte carbone, c’est-à-dire les données utilisées et les algorithmes qui le font tourner, nous sommes pleinement engagés dans un processus continu d’amélioration de cet outil crucial. Notre démarche s’articule autour de plusieurs axes d’intervention :
- nous nous concentrons sur la fluidification et l’optimisation des algorithmes existants, ainsi que sur la correction proactive des éventuelles erreurs.
- nous accordons une attention particulière à la mise à jour constante de nos sources de données et de nos approches méthodologiques.
Ces efforts d’amélioration concernent l’ensemble des quatre blocs fonctionnels qui composent le calculateur : les trois principaux secteurs d’empreinte carbone, à savoir le transport, l’alimentation et les biens, ainsi que l’évaluation des “potentiels de réduction”. Ce dernier volet est essentiel pour proposer des actions concrètes aux utilisateurs et utilisatrices, en quantifiant l’impact de divers changements de comportements. Par exemple, combien de CO2 pourraient être économisés sur un événement en optant pour des repas végétariens ou en privilégiant le train plutôt que la voiture ? Récemment, nous avons concentré nos efforts sur deux problématiques clés identifiées dans notre feuille de route : la restructuration globale du calculateur, impliquant une révision de la gestion des bases de données et une optimisation des algorithmes, ainsi que l’affinement des modèles d’extrapolation de la consommation alimentaire. Bien que la restructuration du calculateur soit encore en cours, en raison de sa nature méticuleuse et complexe, les améliorations apportées aux projections sur la consommation alimentaire ont déjà été réalisées et nécessitent désormais quelques vérifications supplémentaires avant d’être intégrées de manière définitive.
Avez-vous atteint les objectifs que vous vous étiez fixés ?
Nous sommes sur le point d’atteindre un objectif important que nous nous étions fixé : déployer la version web, en une version 1.0, que nous pourrons modifier et mettre à jour au fil du temps. Une première version beta du site est déjà en ligne mais nécessite encore certains tests et améliorations pour être diffusée.
Cet objectif, initialement prévu pour février 2024, a été repoussé à la période de mai 2024, en raison du manque de temps que nous pouvions investir sur le projet, en parallèle de nos emplois respectifs. Malgré la difficulté à coordonner nos emplois du temps, nous parvenons tout de même à effectuer régulièrement (mensuellement ou bi-mensuellement) une réunion afin de partager l’avancement de nos tâches respectives et de discuter de la suite du projet.
Avec un peu de recul, quels sont les points forts et les faiblesses de ce projet ?
Un des points forts du projet est sans doute son côté novateur. En effet, de tels calculateurs n’existaient pas ou n’étaient pas en mesure d’être diffusés dans le monde étudiant au moment où nous développions le nôtre. Cela nous a permis de nourrir de nombreux échanges avec des structures de référence en bilan carbone, comme l’ABC (Association pour la transition Bas Carbone, garante de la méthodologie Bilan Carbone), ou dans le monde étudiant, comme le collectif Pour un Réveil Écologique.
Le fait que le projet soit aussi fait par et pour les étudiants a facilité son essaimage à l’ISAE-SUPAERO et dans d’autres écoles d’ingénieurs. Il est même utilisé aujourd’hui dans des écoles de commerce, des festivals étudiants et des universités.
Avec le recul et au vu de l’évolution du projet, la faiblesse principale est qu’il demande une force de travail opérationnelle constante afin d’être développé. Ayant toutes et tous été embauchés à temps plein après le stage de fin d’études, nous manquons clairement de temps et d’énergie pour maintenir la diffusion du projet. Nous avons pu bénéficier d’un groupe d’étudiants de l’ISAE-SUPAERO motivés à travailler sur le projet dans le cadre du PIE, mais ils sont aujourd’hui arrivés au terme de leur mission et nous doutons de la suite que l’on peut espérer donner au projet.
Le mot de la fin ?
A ce jour, la Fondation représente 100% de nos soutiens financiers sur ce projet.
Nous sommes en train de terminer le site web, qui devrait être finalisé d’ici à quelques semaines/mois. A partir de là, nous pourrons le partager plus largement aux écoles pour mettre à leur disposition un outil de sensibilisation. Nous réfléchissons également à la possibilité de leur fournir quelques clefs pédagogiques pour mieux parler du sujet.
Un grand merci pour votre confiance et votre contribution dans la réalisation d’un tel projet, qui permettra aux étudiants et aux étudiantes de se former sur un sujet aussi important !