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4 mois à Montréal pour réaliser un projet de recherche
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Félix Pollet, doctorant au DCAS de l’ISAE-SUPAERO est parti effectuer un projet de recherche pendant 4 mois à l’Université Concordia de Montréal. La Fondation lui avait accordé une bourse début 2022 pour faciliter son départ vers le Canada. Au Laboratoire HiRAD de Montréal, Félix a pu travailler sur une méthodologie pour la conception préliminaire de drones avec une nouvelle approche. Il nous raconte !
Parle-nous de ton projet
Avec le soutien de la Fondation ISAE-SUPAERO, j’ai réalisé un projet de recherche d’une durée de 4 mois à l’Université de Concordia, à Montréal. Le professeur Liscouët m’a invité à rejoindre son équipe de recherche au sein du laboratoire HiRAD. La mission du High Reliability Aerospace Design Lab est de développer des méthodes de conception novatrices pour les drones et avions à décollage vertical qui doivent démontrer un haut niveau de fiabilité. Parmi les nombreuses applications, nous pouvons citer le transport de matériel médical et humanitaire par drones, les ambulances volantes ainsi que les appareils de recherche et de sauvetage.
Mes travaux ont consisté à développer une méthodologie pour la conception préliminaire de drones avec une nouvelle approche multidisciplinaire reliant l’évaluation de la contrôlabilité et le processus de dimensionnement. L’implémentation de cette méthodologie dans un outil numérique permet par exemple d’explorer et d’évaluer des concepts de drones robustes à la perte d’un moteur ou d’une surface de contrôle. Le séjour de recherche s’est conclu par la rédaction de deux articles scientifiques autour de ces problématiques. De plus, une base solide pour les futures collaborations entre l’ISAE-SUPAERO et l’Université de Concordia a été mise en place.
Comment ce projet de recherche a-t-il pris forme ?
Le séjour de recherche à l’Université de Concordia entre dans le cadre plus large de mon doctorat, mené à l’ISAE-SUPAERO depuis janvier 2021 sous la supervision de Jean-Marc Moschetta (ISAE-SUPAERO), Marc Budinger (INSA Toulouse) et Scott Delbecq (ISAE-SUPAERO). Le sujet de thèse adresse le développement d’une méthodologie de conception préliminaire pour les drones électriques. C’est un sujet fortement multidisciplinaire, qui nécessite entre autres des connaissances en aérodynamique, en structures, en mécatronique, et en mathématiques appliquées.
Les champs d’étude sont nombreux. D’une part, parce que les innovations technologiques récentes (par exemple, la propulsion électrique) permettent l’émergence de nouveaux concepts très éloignés des avions ou hélicoptères conventionnels, qu’il convient d’explorer. D’autre part, de nouvelles applications des drones font leur apparition dans des secteurs très variés. Mes travaux de recherche visent ainsi à développer un outil numérique permettant de dimensionner un drone de manière optimale, et ce à partir d’un simple cahier des charges. L’outil (dénommé FAST-UAV) a suscité l’intérêt de Jonathan Liscouët, chercheur à l’Université de Concordia et spécialiste des problématiques de fiabilité des systèmes aéronautiques. Suite à quelques échanges préliminaires, nous avons mené un premier projet de recherche au printemps 2021, à distance. La collaboration a permis de mettre en commun nos connaissances afin d’explorer et évaluer des concepts de drones multirotors à haute fiabilité. Ce travail a abouti à la publication d’un article dans la revue scientifique Aerospace Science and Technology, en 2022.
Surtout, il a posé les bases pour de futures collaborations de recherche entre l’ISAE-SUPAERO et l’Université de Concordia. Nous avons souhaité aller plus loin dans cette démarche en poursuivant notre collaboration, cette fois-ci en présentiel dans les locaux de Concordia. C’est ainsi que j’ai été invité à effectuer un séjour de recherche à Montréal, de mars à juillet 2022.
Quelles ont été tes motivations pour partir ?
L’invitation du professeur Liscouët m’a fortement motivé pour plusieurs raisons. D’abord, c’était une opportunité unique de découvrir le fonctionnement de la recherche en Amérique du Nord. L’Université de Concordia est un établissement d’enseignement et de recherche de renommée internationale. Un séjour dans cette université pouvait donc être très bénéfique pour ma carrière de jeune chercheur. Ensuite, j’allais pouvoir échanger de vive voix avec le professeur Liscouët, et progresser sur le plan académique. Nos premiers échanges à distance laissaient présager des séances de travail très constructives. Enfin, je voyais ce projet à l’international comme un défi à relever. Intégrer une mobilité à l’étranger dans un parcours doctoral nécessite une bonne gestion de projet et une capacité d’adaptation à un nouvel environnement.
Comment cela s’est-il passé sur place ?
J’ai atterri à Montréal le mercredi 16 mars 2022, pour débuter mon expérience à l’Université de Concordia le lundi suivant.
J’ai eu la chance d’arriver lors des présentations de fin d’année des étudiants ingénieurs. Ces présentations portaient sur des projets de recherche menés en groupe par les étudiants, conjointement avec les laboratoires de l’Université et des partenaires industriels. Cela m’a permis d’avoir une vision générale des sujets abordés à Concordia. Le professeur Liscouët a encadré au cours de l’année 2021-2022 un projet visant la conception préliminaire d’un drone-ambulance en milieu urbain. Le concept d’opération consistait à transporter du personnel médical et d’atterrir sans risque dans les rues de Montréal, au départ de l’un des hôpitaux de la ville. J’ai ainsi retrouvé la problématique à la base de notre collaboration, à savoir : comment explorer et évaluer des concepts de drones pour des applications où la sécurité est essentielle ? Mes travaux de recherche ont permis d’aborder deux aspects fondamentaux de cette question.
Parle-nous de tes travaux
Dans un premier temps, nous avons développé une méthodologie pour le dimensionnement préliminaire de drones à voilure fixe et hybrides (c’est-à-dire, combinant une voilure fixe et des hélices permettant un décollage vertical et du vol stationnaire). Cela a nécessité la mise en place de modèles pour décrire la mécanique du vol, l’aérodynamique, les structures et la géométrie de ces configurations de drones. Un travail de réflexion sur l’agencement des modèles au sein d’une procédure d’optimisation a également été mené. La méthodologie a été validée et implémentée dans l’outil numérique FAST-UAV. En outre, le travail a abouti à la rédaction d’un papier de conférence qui sera présenté en septembre 2022 au 33ème congrès ICAS (International Council of the Aeronautical Sciences), à Stockholm. Ensuite, nos travaux se sont concentrés sur l’évaluation de la contrôlabilité de ces drones en cas de perte d’une hélice ou d’une surface de contrôle. Nous avons mis en place une méthodologie permettant de décrire le comportement en vol d’un drone soumis à une ou plusieurs pannes. Les résultats permettent la comparaison de la robustesse aux pannes de différents concepts de drones, et donc de sélectionner le concept le plus intéressant vis-à-vis des exigences de fiabilité. De plus, la méthodologie couvre le dimensionnement robuste des surfaces de contrôle et des hélices afin d’assurer des niveaux de contrôle suffisants. Le caractère novateur de cette approche a mené à la rédaction d’un article qui devrait être soumis très prochainement en vue d’une publication dans un journal scientifique.
Ces publications sont le fruit d’un travail collaboratif entre l’ISAE-SUPAERO et l’Université de Concordia. Elles participent au rayonnement de l’Institut de par leur contenu scientifique et la démonstration d’une collaboration réussie avec un centre de recherche international. La collaboration entre nos deux établissements ne s’arrête cependant pas à la publication de contenu scientifique. Mon séjour à Concordia a permis la mise en place de base solides pour de futurs travaux conjoints. Un cadre de travail collaboratif (basé sur le logiciel de gestion Git) a été défini autour de l’outil numérique FAST-UAV. Celui-ci facilitera à l’avenir l’implémentation de nouvelles fonctionnalités et améliorations issues de nos laboratoires respectifs, tout en respectant les exigences de confidentialité. Des possibilités de collaborations futures ont d’ores et déjà été identifiées, par exemple autour des technologies à hydrogène. Enfin, les résultats très satisfaisants de cet échange ouvrent la voie à de futures opportunités de stages pour les étudiants de l’ISAE-SUPAERO au sein du laboratoire HiRAD. L’accueil d’un ou plusieurs étudiants de l’Université de Concordia dans les départements de recherche de l’ISAE est également envisagé, avec la publication d’une offre de stage pour le printemps 2023. Précisons enfin que le laboratoire HiRAD est une initiative récente, qui avait accueilli jusqu’à maintenant uniquement des étudiants en Bachelor ou en Master. J’ai ainsi eu l’honneur d’être le premier doctorant à intégrer le laboratoire du professeur Liscouët. Cette particularité donne davantage d’importance aux résultats de ma recherche, qui constituent dès lors une base pour les futurs travaux du laboratoire.
La taille réduite du laboratoire a fortement participé au bon déroulement de mon expérience. Le professeur Liscouët a su se rendre disponible pour des échanges réguliers. J’ai grandement apprécié les séances de travail que nous avons eu. Celles-ci ont été remarquablement constructives. Le sens de la pédagogie du professeur Liscouët m’a permis d’acquérir de nouvelles connaissances techniques et de progresser sur l’aspect méthodologique. J’ai également profité de son expérience industrielle pour confronter mes résultats et mieux définir les problématiques de recherche en lien avec le contexte opérationnel. Dans le même temps, Jonathan Liscouët a adopté une position très ouverte au cours nos échanges. Il a apprécié ma capacité d’appropriation des problématiques, et a toujours été à l’écoute de mes propositions. La confiance qu’il m’a accordée a été primordiale pour mon émancipation. Ainsi, le cadre de travail mis en place était propice à l’avancement rapide du projet de recherche.
En dehors des échanges individuels réguliers, le professeur Liscouët a organisé des réunions d’équipe régulières. Celles-ci étaient l’occasion d’échanger avec les autres membres du laboratoire et de partager nos résultats.
Quelles ont été tes impressions sur Montréal ?
Sur le plan culturel, j’ai pu consolider mon anglais professionnel dans un environnement international et cosmopolite (Concordia est une université anglophone). J’ai été agréablement surpris par la volonté d’inclusion et de diversité à Concordia, et plus largement à Montréal. La population montréalaise est accueillante et bienveillante. Les rencontres y sont faciles, et il ne m’a pas fallu beaucoup de temps avant d’être immergé dans la vie locale. Tout au long de mon séjour, j’ai vécu des expériences enrichissantes qui m’ont permis de découvrir le Québec, ses habitants, et ses enjeux actuels. A travers les musées, j’ai appris sur l’histoire du Canada et l’épineux sujet des peuples autochtones. Au rythme des festivals, j’ai découvert la richesse culturelle de Montréal : festival de jazz, de peintures murales, de cirque, etc. Enfin, je suis allé à la rencontre de la nature du Canada. Lors de mes escapades de fin de semaine, j’ai découvert la beauté des lacs, forêts et montagnes du pays. Parmi les expériences inoubliables, j’ai navigué en canoë sur les lacs et campé de nombreuses fois en forêt ; j’ai fait des rencontres imprévues avec des cerfs de virginie, des wapitis, des colibris et bien d’autres habitants de ces territoires sauvages ; et je me suis formé à la (sur)vie en nature, comme le faisaient nos ancêtres. L’apport culturel et personnel de chacun de ces moments est inestimable, et s’ajoute à la richesse professionnelle de mon voyage.
LE témoignage de Félix Pollet
Doctorant au DCAS
L’expérience globale de mon séjour à Montréal a confirmé mon attrait pour la recherche. Je vois en celle-ci la possibilité de m’épanouir intellectuellement tout en œuvrant pour une société plus durable et plus juste.
A travers mes travaux sur les drones j’espère avoir apporté ma première pierre à l’édifice de la Recherche. Mon projet d’après-thèse reste à définir plus précisément, mais il est indéniable que cette expérience à Concordia a grandement participé à mon émancipation professionnelle.
Je souhaite remercier la Fondation et l’ensemble de ses donateurs pour avoir rendu possible ce séjour à l’étranger. Je me tiens disponible pour répondre aux éventuelles questions concernant mon expérience et j’accompagnerai avec plaisir les étudiants et personnels de recherche qui souhaiteraient à l’avenir s’impliquer dans une collaboration avec l’Université de Concordia.
Tout en me faisant progresser sur le plan technique, ma collaboration avec le professeur Liscouët a donné une dimension internationale à mon projet de thèse. C’est un atout non négligeable pour de futures opportunités professionnelles en France ou à l’étranger (post-doctorat par exemple).
Si je poursuis ma carrière dans le domaine des drones, les travaux effectués au sein du laboratoire HiRAD ouvrent la voie à de futures publications. Enfin, cette première collaboration avec un chercheur externe à l’Institut a permis d’enrichir ma vision de la recherche : méthodes de travail, environnement différent, etc.
En conclusion, mon séjour à l’Université de Concordia a été enrichissant sur le plan personnel, culturel et académique. En plus de l’acquisition de nouvelles connaissances et la production de contenu scientifique, la collaboration de recherche aura permis de construire des bases solides pour les futurs échanges entre l’ISAE-SUPAERO et le laboratoire HiRAD. Les perspectives de travail sont nombreuses, et permettront à l’Institut de bénéficier des connaissances du laboratoire HiRAD en fiabilité des systèmes aéronautiques.
Publications
Pollet, S. Delbecq, M. Budinger, J.-M. Moschetta, and J. Liscouët. “A common framework for the design optimization of fixed-wing, multicopter and VTOL UAV configurations”, 33rd Congress of the International Council of the Aeronautical Sciences, Septembre 2022.
F. Pollet, J. Liscouët, M. Budinger, S. Delbecq, and J-M. Moschetta. “A methodology for the controllability assessment and fault-tolerant sizing of unmanned aerial vehicles under control surfaces and rotor failures.”, Aerospace Science and Technology, soumission prévue en Août 2022.
Je décide de soutenir d’autres doctorants pour qu’ils puissent réaliser séjours de recherche