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6 mois de stage au JPL pour Axel
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Axel a été soutenu par la Fondation pour un stage de 6 mois au Jet Propulsion Laboratory à Caltech en Californie, USA. Lors de ce stage, il a notamment pu contribuer au développement de logiciels pour Mars Science Helicopter (MSH), un projet innovant qui devrait permettre à plus ou moins court terme de poursuivre l’exploration martienne.
Un rêve d’enfance qui s’est réalisé pour Axel, et qui lui a permis de confirmer son objectif : poursuivre une carrière dans le domaine des systèmes embarqués pour l’exploration spatiale.
Il nous raconte son séjour.
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Pourquoi avoir choisi de partir au JPL ?
Lorsque je suis arrivé au NASA-JPL Caltech, j’étais animé par un enthousiasme immense. L’idée de travailler aux côtés des chercheurs les plus éminents en robotique, ceux qui avaient conçu et lancé les rovers les plus sophistiqués sur Mars, me fascinait. C’était un rêve que de rencontrer et de collaborer avec les équipes ayant contribué à la conception de Curiosity, Persévérance, et surtout Ingenuity. Ce dernier représente pour moi la quintessence de l’innovation, prouvant l’efficacité de la robotique aérienne pour l’exploration de planètes comme Mars. J’étais convaincu que cette approche incarnerait l’avenir de l’exploration spatiale. Mon ambition profonde était de m’engager dans un projet « Ingenuity 2.0 » et de participer activement au développement d’un hélicoptère plus performant, plus puissant et doté d’une autonomie accrue : le projet Mars Science Helicopter (MSH).
Comment s’est déroulé ton séjour au sein de ce laboratoire ?
Axel Coulon
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Mon séjour au JPL s’est déroulé de façon idéale, au-delà même de mes attentes. J’ai eu la chance d’intégrer l’équipe LORNA, un groupe de recherche spécialisé dans la navigation autonome longue distance (Long Range Navigation). Cette mission m’a permis de contribuer au développement de logiciels pour la navigation d’un hélicoptère martien de nouvelle génération. J’ai particulièrement travaillé sur la vision par ordinateur, en me concentrant sur des modules clés de la navigation autonome tels que MBL (Mission-Based Localization), SfM (Structure from Motion), et LSD (Landing site detection). Le niveau de recherche dans ces domaines est à la pointe, et ce projet m’a offert l’opportunité de me perfectionner dans l’application de ces algorithmes dans un contexte exigeant comme celui de l’exploration martienne.
Que retiens-tu de ce séjour sur le plan culturel ?
Au-delà du laboratoire, j’ai aussi découvert la Californie, et ce fut une révélation en soi. Je me suis senti profondément impressionné par la grandeur des espaces naturels, les paysages désertiques et rocailleux, les vastes autoroutes, et même les routes emblématiques comme la Route 66.
Ce changement d’environnement était totalement dépaysant, comparé aux paysages de ma Lorraine natale en France. J’ai adoré explorer des lieux mythiques tels que la Vallée de la Mort, le parc des Séquoias, la baie de San Francisco, et San Diego. J’ai même passé plusieurs nuits sous les étoiles, près d’oasis dans le désert californien. Ces expériences m’ont permis de réaliser à quel point notre planète est vaste et magnifique, avec tant de sites à découvrir et à protéger.
Des choses en particulier qui t’ont marqué ?
D’un point de vue culturel, j’ai été frappé par les différences marquantes entre les États-Unis et la France, notamment en matière de rapport à l’argent, de relations sociales et de services. En Californie, tout semble accessible et possible, mais souvent avec un coût. La société américaine, particulièrement en Californie, met l’accent sur le service et la commodité, et chaque interaction semble teintée d’une approche commerciale et marketing. Beaucoup de restaurants, d’universités, et de cafés possèdent même leur propre marque de vêtements, et j’ai moi-même craqué pour quelques souvenirs ! Un aspect de la culture californienne qui m’a particulièrement plu est l’importance accordée aux sciences. Partout, que ce soit au Centre des Sciences de Californie, à l’observatoire Griffith, ou même dans les jardins de Pasadena, les sciences, et en particulier l’astronomie, sont mises en avant de manière captivante. Il n’est pas rare de voir des classes entières de jeunes élèves visiter la NASA ou les musées scientifiques pour éveiller leur intérêt pour ces domaines. Les relations sociales en Californie sont également très différentes de celles en France. Les Californiens sont incroyablement polis, chaleureux et avenants, mais les échanges restent souvent en surface. Il m’a semblé difficile de créer des liens profonds, même si la barrière de la langue y a peut-être contribué.
Quel bilan fais-tu de ce séjour ?
Sur le plan académique, cette expérience a été extrêmement enrichissante. J’ai eu le privilège de contribuer à un projet innovant, le Mars Science Helicopter, qui pourrait voir le jour dans quelques années pour poursuivre l’exploration martienne. Ce projet vise à répondre à des questions fondamentales sur la vie extraterrestre, notamment : la vie a-t-elle existé ailleurs que sur Terre ? Si oui, a-t-elle pris forme sur Mars ? Dans quelles conditions s’est-elle développée, et comment a-t-elle disparu ? La conception d’un hélicoptère destiné à l’exploration de l’espace pose de nombreux défis techniques. Les contraintes de masse, de consommation énergétique, de durabilité et de fiabilité sont particulièrement cruciales pour ce type de véhicule, et du côté des logiciels et des systèmes embarqués, il est indispensable d’optimiser les ressources, en utilisant un minimum de capteurs et d’actionneurs.
Au cours de ce stage, j’ai approfondi mes connaissances sur les algorithmes de vision par ordinateur et sur la manière de les coordonner pour atteindre les objectifs de navigation autonome. Pour le MSH, l’objectif est de permettre à l’hélicoptère de voler à plusieurs dizaines de mètres d’altitude sur des distances de plusieurs kilomètres, tout en maintenant une localisation absolue et précise, sans déviation. Tout cela doit être réalisé de manière autonome, c’est-à-dire avec un décollage, un vol et un atterrissage entièrement automatiques, et avec des capteurs limités : une caméra, un laser d’altitude et une centrale inertielle embarquée.
Ce stage m’a permis de m’immerger dans une mission complexe où chaque détail compte. J’ai dû comprendre en profondeur les algorithmes d’estimation de position et de vision par ordinateur que nous utilisions, tous étant parmi les plus avancés dans ce domaine. J’ai également appris à assumer des responsabilités importantes. Dans l’équipe LORNA, la hiérarchie n’avait que peu d’influence sur les échanges. Les réunions prenaient souvent la forme de discussions ou de débats scientifiques sur les différentes solutions envisagées. Notre équipe comptait sept personnes seulement, et l’ampleur de la mission dépassait largement les ressources humaines disponibles. Chaque membre de l’équipe, y compris nous, les stagiaires, avait donc une responsabilité cruciale. Dans mon cas, j’étais chargé d’implémenter la détection de sites d’atterrissage et la reconstruction 3D du terrain visible par la caméra pendant le vol du drone. J’étais responsable de cette partie du code embarqué et devais répondre aux questions des autres membres de l’équipe concernant mon travail. En somme, ce stage s’est apparenté davantage à un véritable poste d’ingénieur à responsabilité qu’à un simple stage. Bien que cela ait parfois été stressant, j’ai adoré cette dynamique, et je suis convaincu que ce stage était la préparation idéale pour ma future carrière d’ingénieur. Chaque semaine, je devais présenter mes avancées, expliquer mes choix, prévoir mon planning pour la semaine suivante, et faire rapport aux responsables de l’équipe. Ce stage m’a également permis de développer ma confiance en moi, d’améliorer mes compétences en conception de systèmes spatiaux et de renforcer mes connaissances en vision par ordinateur. Ces compétences, liées à la prise de responsabilité, me seront précieuses tout au long de ma carrière.
Et sur le plan personnel ?
Sur le plan personnel, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des personnes d’horizons très divers, notamment des stagiaires et des ingénieurs venus du monde entier : Australie, Japon, Europe, Inde, Afrique du Sud… Cet environnement international était incroyablement enrichissant. Nos discussions portaient souvent sur nos cultures respectives, nos habitudes alimentaires, notre vision du monde… J’ai énormément appris sur les coutumes et les relations sociales de pays que je connaissais peu, et ces échanges ont constitué l’un des moments forts de mon séjour. Nous avons également effectué de nombreux voyages tous ensemble, ce qui a renforcé notre cohésion et a rendu cette expérience d’autant plus inoubliable.
Un autre moment fort de mon séjour, si ce n’est le plus marquant, a été lorsque nous avons testé la détection de sites d’atterrissage et la reconstruction 3D en conditions réelles, avec un drone opérationnel, sans recours à la simulation. Voir mon travail en action, constater que le code fonctionnait bien et que les résultats étaient conformes à nos attentes a été une grande satisfaction. Cette réussite m’a donné une confiance accrue et une motivation renouvelée pour continuer à progresser et à résoudre les derniers ajustements nécessaires. Présenter mes derniers résultats devant une vingtaine d’ingénieurs du JPL a également été un défi passionnant. J’ai dû être extrêmement précis dans la description de mon travail, répondant aux questions d’experts pointilleux.
En somme, ce séjour s’inscrit parfaitement dans mon parcours professionnel. Il représente une continuité naturelle par rapport à mes précédentes expériences, notamment mon stage à l’ESA, où j’avais développé un carnet électronique de terrain pour l’exploration lunaire, et mon stage en développement de politiques de navigation pour la robotique de terrain, maritime et spatiale.
Et maintenant, c’est quoi la suite pour toi ?
Mon objectif est de poursuivre dans le domaine des systèmes embarqués pour l’exploration spatiale, et mon expérience au JPL, centre mondial de la robotique avancée pour l’exploration, s’inscrit pleinement dans cette ambition. J’intégrerai en Janvier 2025, l’EAC (European Astronaut Center), pour y travailler sur la nouvelle facilité lunaire (LUNA) et avancé les technologies que nous utiliserons sur la lune, notamment pour les missions Artemis : c’est-à-dire les rovers, les outils d’analyse terrains comme les microscopes, l’extraction d’échantillon ou encore le carnet électronique sur lequel j’ai pu travailler à l’ESA quelques années auparavant ! Les connaissances que j’ai apprises ces 6 derniers mois me permettront donc de mener à bien ce nouveau travail qui me passionne en termes de compétences dures et douces. Ces mêmes compétences acquises au JPL sont également en adéquation avec mon projet à long terme : porter un projet européen centré sur la robotique pour l’exploration spatiale. Ce séjour a permis à l’ISAE-SUPAERO de développer son activité de recherche à l’international en collaborant avec l’un des centres de robotique les plus réputés au monde, ouvrant ainsi la voie à de futures collaborations entre le JPL et les excellents chercheurs de l’institut en automatique, contrôle, mécanique, robotique et vision par ordinateur.
Un mot de la fin ?
Je tiens à remercier sincèrement tous les donateurs de la Fondation, car sans leur soutien, réaliser ce rêve d’enfance aurait été impossible. Je crois fermement que le financement est souvent le premier obstacle à surmonter pour concrétiser des projets ambitieux, surtout pour les jeunes. Je suis reconnaissant des efforts collectifs qui nous permettent de rêver grand et de repousser nos limites grâce à des initiatives comme celle-ci.